Vous pensiez tout connaître du café: le ristretto, le filtré, l’expresso, le cappuccino ou le noisette. Il en existe cependant un plus timide, qui ne fait pas de bruit et se cache dans certaines boutiques parisiennes.
Reprenons l’histoire de notre grain bien avant qu’il n’arrive dans votre tasse. Le caféier à l’origine de la boisson que vous aimez tant, est un petit arbre de 2-3 mètres de haut dans les plantations et 8-10 mètres dans la nature où il profite de l’ombre des arbres plus grands. À l’abri du soleil, il produit des fruits semblables à des cerises ; à l’intérieur deux noyaux se font face, c’est ce que vous retrouvez dans votre machine après torréfaction.
La majeure partie du temps, la pulpe est jetée ou transformée en compost, mais dans certaines régions productrices, on en fait une boisson légère : une tisane de caféier. On remerciera les audacieux qui eurent l’idée d’utiliser la drupe en entier; il aurait été dommage de gâcher éternellement la moitié d’un fruit.
Après séparation, la partie charnue de la cerise est séchée au soleil. Lorsqu’elle est laissée pure, on parle de cascara. Il s’agit de copeaux grossiers, teintés de pourpre, de grenat et de sépia. Le plus souvent cependant, on la retrouve sous une forme grillée, bien plus sombre et corsée. Ainsi, certains breuvages en associent la pulpe à des épices, comme le gingembre, le carvi, le clou de girofle et la cannelle. Ils sont connus sous le nom de qishr au Yémen, de geshar ou hashara en Éthiopie et de sultana en Bolivie. Dans certains pays, ces boissons sont largement plus consommées que le café, car elles coûtent bien moins cher.
Mais alors pourquoi restent-elles aussi discrètes en France ?
D’une part, c’est un produit à l’entre-deux du café et du thé. On ne sait pas bien où le mettre et il n’est donc pas forcément aisé de le vendre correctement. Il est compliqué de l’appeler thé de café, alors qu’il n’a le goût ni de l’un ni de l’autre. Le qualifier de tisane ou d’infusion peut aussi porter à confusion car son taux de caféine le rend énergisant. De surcroît, puisqu’il ne rentre ni dans une cafetière moka, ni dans un percolateur ou dans une capsule, et qu’il n’a pas été torréfié, on ne le trouve pas non plus sous le nom de café de cascara.
D’autre part, c’est un produit très fragile qui est sensible à l’humidité lorsqu’il est séché naturellement et non grillé. Il est donc compliqué à stocker et à exporter. Lorsque le climat n’est pas clément, les stocks de cascara s’abîment et doivent être jetés.
Vous avez mis trois minutes à lire ces premiers paragraphes, c’est justement le temps nécessaire afin d'infuser notre produit si mystérieux.
Il faut verser sur douze grammes de cascara, trente centilitres d’eau chaude portée à quatre-vingt-douze degrés en trois fois, à une minute d’intervalle, pour ensuite laisser reposer une minute. Vous trouverez certainement d’autres manières de faire en fonction du produit et de l’endroit, mais chez Alain Ducasse, c’est comme cela que l’on procède. Les gestes précis de notre hôte, la sélection de la théière et de la tasse qui laissent transparaître un liquide ambré permettent d'apprécier encore plus cette découverte.
Les vapeurs de ce thé de café s’échappent de la tasse et évoquent une odeur bien connue, celle de la compote de coing encore fumante, dans sa rondeur et son acidité. Les premières inspirations au bord de la tasse révèlent quant à elles, des notes vertes qui ne sont pas sans rappeler la peau d’une figue à peine mûre. C’est pourtant le côté sucré de la cerise ou de la mirabelle qui prend le dessus.
En bouche l’effet est surprenant, le parfum de coing se confirme et le liquide délicat laisse aux papilles une sensation subtilement sucrée et une acidité légère qui peut faire penser à un hibiscus très atténué. Les arômes de la cascara sont éloignés de ceux du café : aucune amertume, aucune astringence, et un côté boisé presque imperceptible se fait sentir en arrière bouche.
Alain Ducasse ne propose à la vente qu’une seule référence qui peut varier selon les arrivages et les disponibilités. Rappelez-vous que la logistique autour de ce produit est complexe, il faut savoir s’adapter en fonction des aléas ; celle que l’on retrouve dans sa manufacture est une cascara du Costa Rica (ancienne référence) et du Panama (référence actuelle).
Pour sa première référence, Alain Ducasse a choisi un mélange de Caturra et de Catuai, deux arabicas nains dont le premier est issu du Bourbon et le second du Caturra et du Mondo Nuovo. Les caféiers poussent au sud-est de la capitale du Costa Rica, San José, dans le canton de Léon Cortés et le district de Llano Bonito. Les plantations sont situées à 1900 m d’altitude sur les chaînes montagneuses qui longent la côte pacifique.
Pour la seconde, il ne s’agit pas d’un assemblage, mais d’un mono caféier à base de Catuai qui provient du Panama. Nous n’avons que peu d’indications sur la provenance exacte de cette cascara hormis le fait que les plantations se trouvent entre 1700 m et 2000 m d’altitude ; on pourrait donc en déduire que l’on reste sur la cordillère de Talamanca qui traverse le Costa Rica et le Panama.
Si le goût global reste similaire, on peut néanmoins sentir quelques nuances, avec des notes de pommes sur l’origine Panama et des notes d’agrumes sur l’origine Costa Rica.
Afin de varier l’expérience et les saveurs, la cascara peut être infusée à froid. Pour cela, mettez 30 grammes de cascara dans 50 centilitres d’eau puis oubliez ce mélange au réfrigérateur pendant 6 heures. Dans un second récipient, mettez 20 grammes de cascara dans 50 centilitres d’eau et laissez infuser à température ambiante pendant 4 heures. Mélangez les deux infusions, servez dans un verre en ajoutant des glaçons à votre discrétion ; avec cette méthode, les goûts de baie sont plus prononcés.
Pour les plus curieux, passez la porte de la manufacture du café Alain Ducasse, son équipe passionnée se fera un plaisir de répondre à vos questions et de vous guider.
Le Café Alain Ducasse, 12 Rue St Sabin, 75011 Paris
Ouvert du mardi au samedi de 11h à 18h
01 40 02 76 90
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